Quand tu t'es réveillé ce matin, tu n'as plus rien reconnu. Ta chambre, le reste de ton habitation, le paysage que tu pouvais voir depuis ta fenêtre... Plus rien n'était comme autrefois. Plus une seule couleur ne flottait dans le paysage. La netteté que tu connaissais semblait même avoir disparue.
Les meubles, les murs, le sol. Tout était grossièrement tracé par un trait épais. Dans un dégradé du noir au blanc. Terne. Maussade. Étrange. Ce sont les seuls mots qui te sont venus à l'esprit.
Au dehors, les caractéristiques bien connues de Tamashi no Higan avaient elles-mêmes disparues. Les lanternes multicolores du village n'étaient plus. Ne diffusant désormais qu'un faible halo blanchâtre qui se voyait peu sur les murs gris d'ors et déjà éclaircis par la lumière pâlotte du jour. Les bâtiments n'étaient plus tout à fait droits, prenant des courbures improbables et parfois même amusantes. Comme si un de ces clowns farceurs avait voulu redécorer la ville pour y répandre le rire.
Les Lycoris n'étaient plus. Ils étaient bien là, pourtant, balançant leurs pétales au gré de la brise. Mais l'horizon n'était plus teinté par cette large traînée sanglante que tu lui connaissais si bien. Dans la direction opposée, tu ne voyais plus la coulée bleu sombre du lac qui se noyait dans le brouillard. Tout n'était plus que gris et blanc. Un paysage qui semblait avoir été tracé par d'épais crayons pour enfants auxquels on avait ôté toutes les couleurs. C'était triste. Mais aussi un peu effrayant.
Le mur se tenait à sa place, menaçant. Le seul à ne pas sembler avoir changé. Conservant son gris d'antan et s'élevant à des hauteurs faramineuses. Mais le pire était la forêt. Plus terrifiante que jamais. Avec ces arbres noirs dont les branches crochues sans feuilles s'entremêlaient en hauteur pour repiquer vers le bas. Ces arbres qui semblaient te laisser encore moins d'espace entre leurs troncs, comme s'ils voulaient t'étouffer.
Si ces détails auraient du t'inquiéter, ils te troublaient encore plus. Ce monde qui était déjà suffisamment étrange comme cela venait de te faire une nouvelle farce. Devenant plus insolite, plus perturbant. Augmentant peut-être même un peu plus ton malaise.
Poussé par une soudaine envie de savoir, tu t'es dirigé vers le miroir d'un pas hésitant, à la fois craintif et curieux. Tu t'es regardé un instant de haut en bas. Dans cet endroit totalement modifié, tu semblais être le moins touché. Si tes traits étaient légèrement épaissis et sans couleur, ils respectaient parfaitement le souvenir que tu en avais. Même silhouette, même visage. A un détail près. Un détail qui ne t'enchantes guère. Qui t'enrage. Qui t'amuse. Qui te laisse sans voix.
Toi qui es Originel, qui est né ici et a toujours vécu à l'égal des premiers de ce monde, tu as été modifié au même titre. Tes traits sont désormais grossièrement tracés de la main d'un enfant. Tout comme ton corps. Un bébé Originel, dans un monde aussi follement transformé, n'aurait pas ressemblé à autre chose que
ceci. Les traits qui dessinent les contours de ton corps sont multiples et bougent au gré de tes mouvements, comme si tu n'étais rien d'autre qu'un personnage dans un dessin animé maladroitement fait. Ta particularité physique n'est pas non plus épargnée. Si tu essayais de la cacher jusqu'à présent, sache que désormais, elle sautera aux yeux de ceux que tu croiseras. Tout aussi mal tracée, elle semble être la seule partie de toi qui n'a pas perdue sa couleur, bien que plus pastel. Une chose est sûre, tu es parfaitement assorti au nouveau monde qui t'entoure !
Toi qui es Médium, le centre de ton pouvoir est incroyablement déformé. Que ce soit son origine où la partie de ton corps par laquelle il transite pour s'exprimer, il s'en retrouve hypertrophié. Si tu avais une vue exceptionnelle, tes yeux deviennent larges et globuleux au point que personne ne peut les louper. Si tu avais une ouïe incroyable, tes oreilles rappellent un certain éléphant du nom de Dumbo. Si ta faculté nécessitait le toucher, tes mains prennent une taille démesurée. Il n'y a rien à faire pour l'éviter. Rien à faire pour le cacher. Juste à endurer.
Toi qui es Physique, ton expression faciale n'est plus du tout la même. Totalement figée, tirée dans une position incongrue. Comme par exemple avec les sourcils exagérément froncés et le coin des lèvres beaucoup trop tiré vers le bas. Ou encore, les sourcils tellement relevés qu'ils se perdent sous tes cheveux et les lèvres étirées en un sourire si grand qu'il rivaliserait d'horreur avec le Joker. Et tu as beau faire, même en parlant, même en riant, même en pleurant, tu ne peux pas te défaire de ce visage drôlement défiguré qui en amuserait plus d'un.
Toi qui es Elémentaire,
Toi qui es Conceptionniste, tu te retrouves avec une coiffure excentrique. Cheveux dressés sur la tête comme si une incroyable quantité d'électricité les maintenait en place. Coloration flashy au possible. Cette découverte t'arrache un cri, et une révélation encore plus affreuse. Ta voix aussi a changé. Et pas qu'un peu. Déformée, aiguë, hilarante. Comme si tu avais passé la nuit à respirer de l'hélium en quantité. Ni coups de peigne, ni tentatives de coloration n'y changent quoique ce soit. Tes cheveux resteront l'une des seules touches de couleur impossible à louper dans le village.
Toi qui es Hybride, tu deviens tel Double Face. D'un côté Originel, de l'autre comme le groupe qui correspond à ton pouvoir. Chaque côté de toi-même est parfaitement séparé dans le plan sagittal. Pour te rendre encore plus déformé et inoubliable.
Face à tous ces changements, les réactions divergent. Il y a ceux qui s'en amusent. Ceux qui s'en foutent. Et ceux qui veulent que tout revienne à la normal.
Alors, sauras-tu trouver la cause de tout ceci ? Sauras-tu t'aventurer dans des lieux dont tu ne reconnais plus grand chose pour découvrir d'où vient ce mystérieux cadeau d'un fou ?
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