Les Origines

« Vous vous demandez qui je suis ? Par quel parcours étrange votre route a fini par croiser la mienne ? Était-ce un simple hasard, un véritable coup du sort ? Ou une malédiction sauvage qui vous a soudainement frappé et a changé du tout au tout le cours de votre vie ?

Tant de questions auxquelles il m'est impossible de répondre. Ce n'est pas là mon rôle. Je ne suis qu'un Guide. Je ne sers qu'à vous faciliter le passage et vous offrir la clé qui vous permettra de comprendre.

Mais avant d'en venir là, parlez-moi de vous. Oui, vous. Pourquoi êtes-vous là, ici, maintenant ? Il doit bien y avoir un malheur qui a chamboulé votre routine, n'est-ce pas ? Je peux le lire sur votre visage. Cette peine, cette souffrance à peine masquée... Vous avez l'air d'en avoir vu de toutes les couleurs. Pourquoi autrement auriez-vous quitté l'abri de votre maisonnée pour vous aventurer dans ces rues si inquiétantes une fois la nuit venue ? Quelle autre raison aurait pu vous poussez à tourner le dos à votre vie passée ?

Qu'y a-t-il ? Comment ai-je deviné tout cela ? Allons, très cher.e. Tous ceux qui viennent à moi ont connu des épreuves similaires. La Clochette ne retentit que pour les gens comme vous, qui n'ont plus rien à perdre et plus nulle part où aller. La Ruelle aux Lanternes n'apparaît qu'aux yeux les plus désespérés. Mais il faut être particulièrement perdu pour choisir d'en suivre l'appel et accepter ainsi la volonté de son propre corps, de ses propres jambes, pour s'y engouffrer sans même un regard en arrière. Vous ne seriez pas en train de me regarder droit dans les yeux, assis.e dans ma boutique misérable et dérangée, si vous en aviez décidé autrement. Car oui, je lis la surprise dans vos yeux incrédules. Cet ensemble de bric et de broc au bazar d'objets étranges et bariolés constitue bel et bien une boutique. Ma Boutique, pour être exacte. C'est pourquoi tout le monde me surnomme le Boutiquier.

Mais passons et revenons donc au sujet principal : Vous.

Il y a quelque chose qui m'intrigue chez vous. Quelque chose qu'ils n'ont pas tous. Une trace sombre sur l'épaule. Une odeur inquiétante à m'en faire frissonner les écailles. N'avez-vous rien remarqué d'étrange au cours du drame qui vous a frappé ? Une attitude sortant de l'ordinaire autour de vous, un murmure résonant dans votre tête et vous soufflant de mauvaises idées... Ou peut-être quelque chose de plus physique, comme une poussée dans le dos ou une pression sur le poignet pour vous entraîner dans une direction non souhaitée...?

Ah ! Votre visage déconfis me confirme que j'ai mis en plein dans le mille ! (rire)

Aussi permettez-moi de vous mettre en garde. S'il vous a choisi.e, c'est certainement qu'il a quelque chose en tête et vous veut exactement là où vous vous rendez. Alors surveillez vos arrières. Chaque détail sortant de l'ordinaire est sans doute important. Méfiez-vous de la moindre ombre qui apparaît dans votre sillage, car il s'agira peut-être de lui. Là où vous n'avez pas eu de chance, c'est qu'il vous a choisi.e, vous. Surtout maintenant qu'il est trop tard pour faire demi-tour...

Mais en tant que Guide, je ne peux pas simplement vous laisser repartir sans vous donner un petit coup de pouce. Alors laissez-moi vous aider.

Vous voyez ce flacon sur la table ? Il contient une chance, une opportunité. Saisissez-là, et vous serez plus à même d'affronter les épreuves futures qui se placeront sur votre route. Pour vous fondre dans la masse, là où vous allez, vous en aurez besoin. Je ne peux pour l'instant pas vous en dire plus, vous allez devoir me croire sur parole. Mais en avez-vous seulement le choix ? Je crois que vous n'êtes pas dupe sur ce sujet.

Allons, n'ayez pas peur, il ne s'agit pas de poison. Mon rôle n'est point de vous tuer, mais de vous accompagner. Alors allez-y, saisissez cette nouvelle aubaine à pleines mains et videz-en le contenu au fond de votre gorge. Vous verrez, vous ne le regretterez pas.

Voilà, comme ceci. D'une traite. Jusqu'à la dernière goutte...

(rire) Eh bien, quelle grimace ! J'aurais sans doute dû vous prévenir que le goût était âpre et amer ! Mais fort heureusement, cela ne vous a pas empêché de tout boire.

Maintenant, vous allez commencer à avoir la tête qui tourne, mais je tiens à ce que vous sachiez que c'est parfaitement normal. Votre vision va se brouiller, et petit à petit, vous allez perdre connaissance. Lorsque vous vous réveillerez, vous serez déjà là-bas, sans ma présence pour vous accompagner. Aussi, concentrez-vous bien sur mes dernières paroles.

Une nouvelle chance vous a été offerte, mon ami.e. Ne la gâchez pas impunément. L'endroit où vous vous réveillerez est plein de merveilles, je vous le promets. Mais seulement si vous savez les voir au milieu du reste. Car, je ne vous le cache pas, ce monde est empli de mystères et d'obscurité. Vous y connaîtrez souffrance et peine aussi bien que joie et amour. Dans tous les cas, il s'agira de votre nouvelle maison, aussi tentez de vous y faire une place.

Et je finirais avec une seule et unique chose, que je me permets de vous dire avec un peu d'avance.

Bienvenue à Tamashi no Higan, l'Equinoxe des Âmes... »


Comme cet étrange personnage vous l'avait promis, à votre réveil, vous n'étiez plus dans le désordre de cette minuscule pièce à laquelle il avait donné le nom de boutique. Vous étiez en plein air, au sommet d'une colline parsemée de Lycoris —ces fleurs d'équinoxe au rouge sombre et inquiétant—, et à l'ombre d'une vieille bâtisse en ruine et d'un arbre biscornu. Au loin, vous pouviez entendre les sons d'une myriade de petites clochettes entonnant une mélodie grésillant à vos oreilles et se perdant dans le vent, semblant tout droit sortie d'un vieux film d'horreur. Et c'est ainsi que vous l'avez repéré, vos yeux suivant l'origine de l'inquiétante mélopée. Loin après la plaine qui ressemblait plus à une large traînée de sang qu'à un champ de fleurs, s'étalant le long d'une profonde tâche d'un noir d'encre, se découpait des silhouettes de bâtiments parsemées de tâches lumineuses et colorées. Un village, sans aucun doute. Mais quelles étaient ces étranges lucioles qui semblaient éclairer la cité ?

Ce n'est qu'une fois arrivé.e aux alentours du bourg que vous avez compris qu'il s'agissait de lanternes. Et c'est ainsi que vous avez découvert votre futur lieu de vie à l'Equinoxe des Âmes.

Mais alors déjà, sans que vous ne vous en rendiez compte, votre corps avait commencé à changer, subissant l'influence de ce lieu étrange et magique. Ou bien était-ce à cause du mystérieux breuvage que vous vous étiez forcé à avaler ? Nul ne le saura jamais. Mais une chose est sûre, vous ne serez plus jamais le même. Et pas seulement à cause de la nouvelle faculté qui vient vous picoter désagréablement le bout des doigts. Capacités dépassant l'imagination, pouvoir surnaturel... Oui, vous allez avoir l'occasion de lui donner bien des noms, à ce changement qui opère en vous et vous fait perdre peu à peu votre humanité...


C'est maintenant à votre tour de jouer.
Vous pouvez désormais incarner un habitant du Village aux Lanternes. Etranger nouvellement installé ou présent depuis quelques temps ? Ou bien habitant Originel du lieu ? Pour en savoir plus, vous pouvez vous rendre sur la fiche des groupes ici.
Envie d'en savoir plus sur le monde étrange que vous venez de rejoindre ? Le petit Guide du Parfait Higanjin est fait pour vous !

Ce bourg mystérieux éclairé par des centaines de lanternes aux couleurs de l'arc-en-ciel n'était pas la seule surprise qui vous attendait au bas de la colline. Tout comme ne l'étaient pas les légers grelots qui tintaient dans le vent et pendaient aux fenêtres bigarrées des bâtisses. Plus vos pas vous guidaient vers l'arche cramoisie que formait un vieux portail traditionnel japonais et tenait lieu d'entrée, et plus vous deviez vous rendre à l'évidence : quelqu'un vous attendait, immobile, les yeux rivés sur vous.

Il s'agissait d'une grande femme, emmitouflée dans des vêtements noirs et blancs. Une épaisse écharpe en fourrure immaculée venait parfaire l'encolure de sa lourde robe, se confondant presque avec la crinière laiteuse que formait sa chevelure. Mais il y avait quelque chose de troublant chez cette femme. Quelque chose de perturbant que son large sourire gourmand venait accentuer. Il ne vous fallu guère plus de temps pour comprendre qu'il s'agissait de ses yeux, jaunes et perçants, à la pupille allongée d'un félin. Mais le pire, c'était son regard, malicieux et curieux, vous faisant penser à la façon dont un prédateur observe une nouvelle proie avec laquelle jouer. Elle avait l'air de savoir parfaitement qui vous étiez, mais aussi pourquoi vous étiez là. Néanmoins, vous renseigner était sans doute le cadet de ses soucis, car — vous alliez bientôt le découvrir —, elle aimait laisser planer le mystère et vous voir arborer ce regard si déboussolé.

« Bienvenue au Village aux Lanternes, Invité. Je suis la Duchesse, et mon rôle est de veiller sur les habitants de ce monde, dont vous faites également partie. Dès aujourd'hui, je deviens donc votre Guide. Veuillez me suivre, je vous prie. »

Sur ces quelques mots prononcés d'une voix chantante de mezzo-soprano, la noble dame à la silhouette gracile étendit ses longues jambes pour faire demi-tour et s'engager plus profondément dans d'étroites ruelles au sol pavé. Non déterminé à vous retrouver seul dans ce monde étrange et pour le moins inquiétant, vous vous êtes décidé à la suivre, vous engouffrant dans son sillage aux effluves d'herbes aromatiques et de fleurs des champs. Vous avez ainsi slalomé en silence dans le dédale formé par des petites bicoques à la fois semblables et dégageant une atmosphère bien différente, avalant les distances en-dessous d'un ciel de lanternes se balançant silencieusement dans les airs, vos pas uniquement rythmé par les tintements légers des clochettes accrochées à chacune des fenêtres.

Les rues étaient désertes, et ça vous inquiétait. Lorsque vous regardiez au travers des carreaux de verres qui vous encerclaient, vous ne pouviez voir que l'opacité des rideaux ou le décor figé d'un salon sans vie. C'était presque à croire que le village était complètement désert.

Et pourtant, la sensation de picotement sur votre nuque et les frissons qui vous faisaient monter la chair de poule ne vous trompaient pas. Vous en étiez sûr, vous étiez observé. Mais lorsque vous cherchiez les coupables, seuls le vide et le silence vous répondait.

Puis, enfin, cette lente marche prit fin. Et la Duchesse, cette magnifique femme un tantinet effrayante, vous fit face de nouveau, droite comme un piquet devant une petite porte en bois, vous tendant des clés auxquelles étaient accroché un grelot.

« Vous voici juste devant chez vous, très cher. Tenez, prenez les clés de votre nouvelle maison. J'espère que vous y mènerez une vie intéressante. Je vais maintenant vous laisser vous installer chez vous. La nuit va bientôt tomber. Il ne fait pas bon traîner dans les rues une fois le soleil caché.

Mais avant de partir, je dois d'abord vous mettre en garde. Avant que la nuit tombe et sans faute, tous les jours à partir de ce jour, veillez à vous trouvez chez vous au coucher du soleil. Fermez bien vos portes et vos fenêtres, même les rideaux si cela vous aide. Car les ombres rodent sous le règne de la lune et des étoiles. Il ne faudrait pas qu'elles vous attrapent vous aussi, si vite après votre arrivée parmi nous. Nous avons déjà vu disparaître trop de nos concitoyens. Il parait que le son des clochettes les éloignent, aussi ai-je pris la liberté de vous en placer à chaque fenêtre et sur votre porte.

Sur ce, mon rôle est terminé pour aujourd'hui, mais nous aurons bien d'autres occasions de nous recroiser. Je vous laisse et vous souhaite une bonne nuit. J'espère que vous réussirez à fermer l’œil et que vos rêves ne seront pas trop mouvementés... »

La Duchesse avait raison. Cette nuit-là fut la pire nuit de toute votre existence. A cause de ce nouveau lieu inconnu et inquiétant. A cause des grattements menaçants et persistants sur vos portes et vos fenêtres. A cause de ce hurlement déchirant que vous avez entendu au loin, sitôt les douze coups de minuits sonnés...